Numérique, droits fondamentaux et diversité culturelle, à l’examen du Conseil d’Etat
L’essor du numérique pose des défis inédits en matière de protection des droits fondamentaux : s’il renforce l’exercice de certaines libertés et favorise l’émergence de nouveaux droits tels que le droit d’accès à Internet, le numérique en fragilise d’autres, comme le droit à la vie privée. C’est pourquoi,dans son étude annuelle publiée le 9 septembre, le Conseil d’Etat formule 50 recommandations couvrant de très nombreux domaines, destinées à garantir les droits fondamentaux tout en valorisant le potentiel des technologies digitales pour l’intérêt général.
La diversité culturelle est au cœur de cette réflexion car, si le numérique est un vecteur extraordinaire d’accès à la connaissance qui matérialise le droit des individus à participer à la vie culturelle, il n'est pas pour autant exempt de risques. Alors que les obligations de soutien financier à la création « ne sont pas affectées dans leur principe par le numérique », le système de quotas (qui imposerait par exemple à un site de vidéo ou musique en ligne tel que Netflix ou ITunes de consacrer une proportion de son catalogue au répertoire local) est en effet inadapté aux usages actuels, non linéaires, où c’est l’utilisateur qui choisit ses contenus. En parallèle, souligne le Conseil d'Etat, les algorithmes de recommandation qui régissent les plateformes sont devenus des prescripteurs majeurs, mais au détriment de la découverte de contenus diversifiés car ils « tendent à se fonder sur l’observation des préférences passées » des utilisateurs.
Finalement le Conseil d’Etat propose d’ « encourager la prise en compte de la diversité culturelle dans les algorithmes de recommandation utilisés par les sites internet diffusant des contenus audiovisuels ou musicaux »(proposition n. 27). Les plateformes pourraient par exemple « passer par la bonification dans l'algorithme des œuvres françaises ou européennes, ou par la mise en place d'une fenêtre dédiée à ces œuvres dans le résultat des recommandations ». A défaut de pouvoir imposer ces mesures par la voie législative du fait d'une incompatibilité avec le droit européen, le Conseil d'Etat suggère de procéder par la voie de la concertation avec les sites concernés et la signature deconventions, prévues à cet effet par le CSA, comportant des engagements volontaires en matière de diversité culturelle.
Cette proposition concorde avec l'esprit général du rapport qui, dans plusieurs points (propositions 6, 23, 24, 25 et 26) s'attache à concevoir des principes de régulation des algorithmes prédictifs. Une régulation qui s'annonce comme l'un des chantiers majeurs des prochaines années.
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